Auteur-compositeur et interprète rare et méticuleux, Wasis Diop partage son temps de création entre musiques pour le cinéma, chansons « ourlées », et comédies musicales, (l’Opéra du Sahel 2007). Wasis Diop a une importance toute particulière sur la scène musicale cinématographique. Pionnier de la world music dans les années 70, il fait partie des artistes africains les plus admirés en Afrique et dans le monde. Il a voyagé sans se préoccuper des « frontières » à travers les univers musicaux du Japon, de Jamaïque ou de Tunisie. Il a écrit d’extraordinaires musiques de films pour la plupart des grands cinéastes contemporains, de Djibril Diop à Idrissa Ouedraogo, Moussa Sène Absa, Moussa Touré, ou Mahamat Saleh Haroun. Il a d’ailleurs reçu le prix de la meilleure musique de long métrage pour l’ensemble de sa contribution au cinéma africain, en 2011, au Fespaco. Wasis Diop a composé les musiques de Hyènes (dont il a assuré la direction artistique) et de la Petite Vendeuse de soleil, dont il a terminé le montage. Il est également réalisateur et on lui doit un portrait très sensible de Joe Ouakam plasticien et acteur, qui tient un des rôles principaux de Hyènes (le professeur).
À propos
« Avec Djibril, mon frère, quand il nous a fallu nous projeter dans le monde avec toute l’émotion de nos cœurs qui battaient d’une manière déraisonnable, Djibril a longtemps hésité. Il voulait faire de la musique. Il avait même un nom de chanteur – que j’ai oublié ! Et moi j’aimais beaucoup la photo et puis les choses se sont inversées brutalement, il m’a transmis tout le goût qu’il avait de la musique. Et voilà ! C’est lui qui est devenu cinéaste et moi je fais de la musique ! Mais en réalité quand Djibril tournait, j’étais tout le temps avec lui, et très actif sur ses plateaux ; j’ai même joué dans ses films. Ça lui donnait toute la latitude de s’absenter quand il en éprouvait le besoin, d’aller en méditation et de revenir parce que c’est comme ça qu’il travaillait. Quand il écrivait, Djibril aimait beaucoup raconter ses séquences dans les bars. Et le fait de les raconter l’amenait à aller beaucoup plus loin, parce qu’il avait tellement joué les scènes que, sur le plateau, il les changeait complètement. C’était sa façon de se renouveler. Il continuait à écrire sans arrêt en fait.
Quant à moi, je suis vraiment devenu musicien à Paris avec le West African Cosmos, le groupe monté par Umban U Kset au début des années 70. Nous avions un élan, une énergie, un enthousiasme incroyables… et nous étions libres car nous avions quitté nos territoires d’origine pour nous retrouver à Paris. En Afrique, on appartient quand même, à des sociétés castées où seuls les griots étaient autorisés à faire de la musique ! Nous avons commencé à composer pour le cinéma avec la bande originale du film de William Klein sur le combat du siècle, celui de Mohamed Ali au Zaïre, Mohamed Ali the greatest en 1974. Puis j’ai quitté le West African Cosmos qui était un peu mon école, ma bande… Plus tard, Hyènes a été le premier film qui m’ait ouvert la voie du cinéma en 1992. J’ai une vision cinématographique de la musique. Quand je fais de la musique, je raconte une histoire, je vois des images. J’ai beaucoup travaillé avec mon frère ; on a passé des heures à essayer de faire des plans, à réfléchir sur la composition d’un plan. Et c’est quelque chose qui me poursuit jusqu’à aujourd’hui. Même quand j’écris une simple chanson, je suis encore dans le cinéma. »
Propos recueillis par Catherine Ruelle 2020
Autour de l’œuvre de Djibril Diop Mambety : Djibril Diop Mambety ou le voyage de la Hyène
(préface Martin Scorsese. éd. L’Harmattan, 2020, œuvre collective sous la direction de Simona Cella et Cinzia Quadrati).