Diplômée de l’EHESS, Leïla Kilani commence sa carrière comme journaliste et réalise à 22 ans, en 2002, son premier documentaire, Tanger, rêve de brûleurs, sur de jeunes candidats à l’émigration ; puis Nos lieux interdits en 2008, autour des prisons des années 1970, sous le règne de Hassan II. Son premier film de fiction, Sur la planche (2011), raconte la lutte de quatre jeunes ouvrières de vingt ans pour sortir de leur condition. Le film est présenté au Festival de Cannes 2011 et à Visions d’Afrique 2012. Plus d’une décennie après son premier long-métrage de fiction, Leïla Kilani est de retour avec Indivision, un film qui nous plonge au cœur d’une démarche expérimentale audacieuse.

Interview de Leïla Kilani, (dossier de presse du film)

J’ai grandi dans une famille tangéroise où les codes de la bourgeoisie de province se cognaient à la fureur de vivre. Une famille tanjaouia accrochée à ses traditions  qui vit à la fois dans l’urgence de l’écroulement annoncé et dans l’espoir vague qu’elle lui subsistera. (…) Je voulais faire un film sur une famille. Sur les oiseaux. Sur des adolescentes. (…) J’aime la cruauté et la tendresse de cet âge. On s’y pose des questions qu’on évitera soigneusement plus tard. Le personnage de Lina est assez complexe : mutique, écrivant des mots clés et des questions sur tout son corps, c’est une adolescente guerrière, un personnage très paradoxal. Elle croit fermement qu’elle va devenir une super-héroïne. Mais à la fin, elle trahit sa propre famille. (…) Quand il s’agit d’héritage, la famille est un enfer. Jeune adulte, mes oreilles ont saturé de cette rengaine usée : héritage, legs, indivision. La même vieille histoire où se mêlent attachement irrationnel à un bien et cupidité crapuleuse, affection sincère et fausse solidarité, intimité et magouilles… L’argent, le cash, le pognon. L’héritage de la propriété est l’une des plus grandes escroqueries jamais inventées. 

L’une des principales questions qu’explore le film est de savoir à qui appartient la terre ?

Lina et Anis ont un lien fusionnel avec la nature et la grand-mère veut vendre la propriété. Le père pense que la terre n’appartient à personne, juste à elle-même. La famille est ébranlée dans ses fondations. Lui est considéré comme fou. Pour moi, c’est un nouveau type de héros, très transgressif, d’une manière extrêmement douce, sans bombe, sans armes, sans grand discours idéologique. Il est juste cohérent avec ce en quoi il croit. Il s’engage pour la nature, de manière extrêmement excitante. Lui et sa fille ont leur savoir-être au monde. Ils inventent un langage pour communiquer avec la nature… même s’ils ne communiquent pas très bien avec le monde extérieur.”