Sous les Figues

Au nord-ouest de la Tunisie, des jeunes femmes travaillent à la récolte des figues. Sous le regard des ouvrières plus âgées et des hommes, elles flirtent, se taquinent, se disputent. Au fil de la journée, le verger devient un théâtre d’émotions, où se jouent les rêves et les espoirs de chacun.

Film en sélection à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2022, Tanit d’argent aux Journées cinématographiques de Carthage 2022, Bayard d’or du Festival du film francophone de Namur.

« Le film séduit par son dispositif, économe et esthétique : des plans rapprochés dans les feuillages – rien que cela – captent des bribes de conversation, que le récit se charge ensuite de rendre intelligibles, et le “huis clos” en plein air montre une microsociété rurale dans ses tiraillements. Jusqu’aux jeunes filles tunisiennes cueillies à froid, entre marivaudage et patriarcat. »

Clarisse Favre, Le Monde, décembre 2022

Tableau Ferraille

Daam revient bardé de diplômes à Tableau Ferraille, son village natal situé aux environs de Dakar. Il gravit les échelons du pouvoir politique avec l’espoir d’améliorer la vie de ceux qu’il prend pour ses amis. Sa première épouse, Gagnesiri, est là pour le soutenir.
Mais cette femme aimante et généreuse ne peut pas lui donner d’enfant. Sous la pression de son entourage, Daam se décide à prendre une seconde épouse qui lui donnera certes des enfants, mais aussi bien des soucis. Daam devient député, puis ministre. Il attire autour de lui une bande de courtisans. Un complot visant à récupérer un marché de travaux publics, compromettant sa seconde épouse, mettra un terme à la carrière politique de Daam. Il ne s’en relèvera pas.

« Ils avancent d’un pas vif dans les ruelles de Dakar, non loin de la mer, groupe d’hommes en boubous bleus, la main sur l’oreille pour s’entendre chanter. (..) Leur polyphonie a le souffle d’une Afrique qui s’unit pour résister. C’est le cri du réalisateur sénégalais baye fall Moussa Sène Absa : “Tableau Ferraille, il est temps de t’éveiller !” Dans ce quartier de Dakar où il est né, se joue une histoire universelle : l’ascension fulgurante et la chute amère d’un homme politique sincère se heurtant aux intérêts et aux pouvoirs. Mais ce sont aussi les femmes qui donnent au film sa profondeur et son lyrisme. (…) Entre les deux femmes (de Daam) “c’est la langue et les dents” : délicate situation d’une maternité par procuration et d’une polygamie pas toujours rose. Et c’est en définitive davantage dans cette tranche de vie que Sène Absa arrive à faire passer cette mélodie qu’il ressent comme une urgence : laisser l’Afrique suivre son propre rythme. »

Olivier Barlet, Africiné

Yoolé – Le Sacrifice

Un jeune clandestin adresse une lettre à sa mère. Il lui fait revivre les affres du voyage que lui et ses amis d’infortune eurent à vivre des semaines durant. Partie du Sénégal vers l’Espagne, leur pirogue contenait 54 passagers. L’espoir béat du début fera très vite place à la désolation, mais surtout à la mort. La pirogue a dérivé vers le continent américain pour accoster à la Barbade avec, à bord, seulement 11 personnes… mortes. 11 personnes et une lettre…


Extraits de la lettre :
Chère Mère,
Aujourd’hui, me voici au milieu de l’océan. Et je ne sais même pas nager ! Sans jamais savoir où je vais et ne pouvant plus retourner dans tes bras et lire sur tes lèvres la douce berceuse d’un soir.
Au départ de la baie de Tableau Ferraille, nous étions 53 joyeux pèlerins au lieu saint de l’espérance. Le voyage était censé durer au maximum dix jours. La première semaine reste encore dans ma mémoire : on avait à manger et à boire. On riait. On dansait. Chacun racontait ses histoires et égayait le voyage. (…)
La deuxième semaine apporta son lot de questions.
Où sommes-nous dans cet immense océan ? Chacun avait sa réponse (…)

« Dans Yoolé, Moussa Sène Absa commence dès le début du film par faire des portraits de ses protagonistes : il les singularise. C’est une démarche de cinéma autant qu’une démarche humaine. Et il fait le parallèle avec les discours présidentiels : le discours du pouvoir. Là est toute l’actualité de son cinéma. Les flash-back et la rupture avec le récit linéaire. »

Olivier Barlet, Africiné

Xalé, les blessures de l’enfance

Awa, collégienne de 15 ans, vit gaiement son adolescence aux côtés de son frère jumeau Adama qui rêve d’Europe. Lors du décès de leur grand-mère, sa tante Fatou et son oncle Atoumane promettent de se marier pour préserver l’union familiale. Mais Fatou n’aime pas Atoumane et celui-ci, las d’attendre de consommer son mariage, commet l’irréparable.

« Xalé, les blessures de l’enfance, est une œuvre contemporaine qui s’inscrit dans une ode adressée aux femmes. Les femmes sont au centre du récit, les hommes ont un rôle plutôt secondaire dans cette trilogie du cinéaste entamée en 1995 avec Tableau Ferraille puis Madame Brouette en 2002 avant de s’achever par Xalé. Le point commun de ces longs-métrages : les femmes sont le point focal des récits de Moussa Sène Absa. Le cinéaste brosse des sujets de société très actuels tels que le mariage arrangé pour sauver l’honneur de la famille, la décadence provoquée par la suite des évènements, les choix et les décisions des uns et des autres. Un enchaînement au rythme des prestations scéniques sous les airs musicaux des frères Guissé et de Daara J Family. »

Intelligence magazine

Le Panthéon de la Joie

Bénin, Ouidah, quartier du Panthéon de la Joie. 4 gamins âgés de 12 à 14 ans qui s’appellent Élysée, Concorde, Placide et Aimé. Ils sont vidomégon (enfant placé), enfant fantôme (sans existence légale) ou orphelin. Ils traînent dans les rues et rêvent : ils seront riches et célèbres à Paris, comme Grand frère Tambour Tam Tam, qui y a si bien réussi… Mais pour partir il leur faut de l’argent, alors ils chantent, dansent, demandent l’aumône et sourient à la vie.

« Vous appréciez le cinéma de Jean Odoutan ? Alors courez voir son dernier opus, un des plus réussis. Comme à son habitude, il est partout aux manettes : il l’a écrit, réalisé, produit, chorégraphié, mis en scène et en musique ! Car Le Panthéon de la Joie ratisse large : une comédie musicale qui se veut aussi sociale, regard caustique sur la société béninoise et les problématiques nord-sud.

Cela donne au film une dimension mystique, car si le rire, l’autodérision et la joie dominent à travers les chansons et la vitalité des gamins, la nostalgie et le doute prennent parfois le dessus face aux réalités du monde : la mauvaise gouvernance (“la répétition du mensonge ne le transforme pas en vérité”), l’impasse éducative, les femmes laissées seules par les migrants, les ouvriers impayés, la violence de rue, le terrorisme djihadiste, la guerre. “Les adultes me font peur”, lâche Concorde…
Vous l’aurez compris : Le Panthéon de la Joie foisonne d’humour et de vie tout en vibrant au diapason du vécu africain. Il vaut le voyage pour essayer de rattraper le prolixe Odoutan qui ne lâche rien et fait feu de tout bois entre films, livre et chansons. Pour notre plus grand plaisir. »

Olivier Barlet, Africultures

Moolaadé

Collé Ardo vit dans un village africain. Sept ans auparavant, elle a refusé que sa fille soit excisée, pratique qu’elle juge barbare. Aujourd’hui, dans son village, quatre fillettes fuient la cérémonie d’excision pour échapper à ce rite de purification, et demandent protection à Collé. Deux valeurs s’affrontent alors : le respect du droit d’asile (le moolaadé) et l’antique tradition de l’excision (la salindé).

Moolaadé a reçu le prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2004.

« Sur un sujet aussi grave et complexe que l’excision, le cinéaste sénégalais signe avec Moolaadé, son dernier long-métrage, un chef-d’œuvre du septième art, et un film militant. Au cœur d’un village africain, la courageuse Collé Ardo devient un symbole de la révolte des femmes contre une pratique barbare et les intégrismes qui y sont liés. Équilibrant savamment son film entre drame et comédie sociale,  Sembène Ousmane  parvient à « embrasser » tous les paramètres sociaux et culturels qui se jouent autour de la question de l’excision.
Avec finesse, justesse et courage, il filme et met en scène ce combat de valeurs, qui très vite déborde du cadre essentiellement féminin pour devenir enjeu social et sociétal de tout le village. Bien documenté, superbement interprété et parfaitement maîtrisé dans la forme et le fond, Moolaadé est un argument de poids contre l’excision et un chef-d’œuvre à voir et à étudier. »

Africavivre

Nome

Le cinéaste revient – 30 ans après son premier film Xime (1994) – sur la guerre de libération en Guinée-Bissau en tissant fiction moderne et archives de l’époque.

1969. Une guerre violente oppose l’armée coloniale portugaise aux guérilleros du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Nome quitte son village et rejoint le maquis. Après des années de guerre, il rentrera en héros. Mais la liesse laissera bientôt la place à l’amertume et au cynisme.

« L’enfant a les yeux plantés dans les nôtres. Au-dessus de sa tête planent de menaçants vautours. À ses pieds, son père mort. Derrière lui, un village qui le regarde en silence. Ici, on mesure le temps en fonction du ciel, un “ciel deux ans plus jeune quand la guerre a commencé”. Dès sa première séquence, la puissance de Nome bouscule. C’est avec un mélange de grande beauté et d’inquiétude que Sana Na N’Hada reconstitue, trente ans plus tard, l’épopée d’une guerre d’indépendance qu’il a lui-même traversée. Dans la fiction on retrouve des images d’archives filmées par le jeune réalisateur et par Flora Gomes.

Les temporalités se mêlent : entre les rêves de l’enfance, l’aventure glorieuse du guérillero puis les ambigüités de ses héros, que reste-il de la Révolution ? Le film émerveille par sa croyance dans les pouvoirs du cinéma à ouvrir de nouveaux mondes. “La Guinée est-elle prête pour tant de bonheur ?” Cette question que pose dans le film un esprit, seule entité capable d’apparaître dans toutes les époques de cette fresque historique, restera en suspens. Nome est un film palimpseste dont chaque strate renvoie à un moment de la vie de ses héros, de la Guinée-Bissau et du merveilleux Sana Na N’Hada. »

Catalogue de l’ACID Cannes 2023

Sira

L’histoire se déroule aujourd’hui au Sahel. Sira, une jeune Peule, voyage avec sa famille pour retrouver son fiancé, Jean-Sidi. Son groupe est attaqué par des terroristes islamistes, tous les hommes sont abattus. Le chef du gang enlève Sira et la viole.
Laissée pour morte dans le désert, Sira se réfugie dans une grotte à proximité du camp des terroristes. Elle organise sa survie et entame la résistance.

Sira a remporté l’Étalon d’argent de Yennenga au 28e Fespaco, Ouagadougou (Burkina Faso) 2023.

« Dans ce long-métrage généreux, la cinéaste prend des décisions scénaristiques pour rendre son propos le plus accessible possible, sans trop sombrer dans la facilité ou le mauvais goût. Le travail sur les couleurs est remarquable, sans que la beauté de l’image existe au détriment de l’histoire. La manière de créer la tension (la mise en scène de l’action, la construction du dénouement) ne crée pas un suspense malvenu dans cette fiction qui dépeint une situation réelle. Le résultat est solide et le film devrait certainement poursuivre son parcours en festivals. »

Nicolas Bardot, pour Polyester

Shimoni

Geoffrey, en conflit avec son environnement social et en guerre contre ses démons intérieurs, est renvoyé dans son village natal après avoir été libéré de prison. Ancien professeur d’anglais, il est forcé de reconstruire sa vie et de se consacrer à des travaux manuels obligatoires qui lui sont étrangers, dans une communauté qu’il avait laissée derrière lui. Un beau personnage, torturé, piégé entre vulnérabilité et culpabilité.

Shimoni a obtenu l’Étalon de Bronze au Fespaco 2023 et le Grand Prix Sembène Ousmane du Festival international du cinéma africain de Khouribga (FICAK), 2023.

« Angela Wamai (réalisatrice) : Le titre Shimoni a de nombreuses significations en swahili, mais pour ce film, cela signifie spécifiquement « fosse ». Un trou dans lequel le personnage principal continue de tomber. Mais c’est aussi la ville fictive dans laquelle se déroule le film.
Justin Mirichii (acteur principal) : j’ai tout de suite compris, en rencontrant Angela Wamai, que j’allais faire un film assez profond, noir, dramatique, mais très humain. C’est ce qui m’a convaincu d’accepter ce rôle. (…) J’ai pris le processus étape par étape. Angela m’a fourni des films à regarder. Je n’en ai regardé que quelques-uns parce que je voulais que « Geoffrey » soit le plus authentique possible. J’ai perdu du poids et me suis rasé les cheveux. J’ai également dû m’éloigner de ma jeune famille pendant toute la durée du tournage. Quand j’ai commencé à comprendre l’isolement et la solitude de Geoffrey, j’ai su que j’étais prêt. C’est un homme désespéré, sans voix pour remédier à sa propre situation. »

Entretiens avec Angela Wamai et Justin Mirichii pour AfriCiné

Neptune Frost

Hauts plateaux du Burundi, de nos jours. Après la mort de son frère Matalusa, un mineur de coltan en fuite rencontre Neptune, une hacker intersexe. Réfugiés dans une zone pirate où sont recyclés des déchets électroniques, ils forment un collectif de cyberpirates anticolonialistes, dans l’espoir de renverser le régime autoritaire qui contrôle la région. De leur union va naître une déflagration cosmique, virtuelle et surpuissante.

« Avec ce nouveau film, le duo Saul Williams et Anisia Uzeyman réunit tous ses talents. Le chant et la danse viennent raconter l’histoire davantage que les dialogues, et font naître la poésie là où tout semble désespéré et désespérant. À l’image de Neptune, personnage non-binaire et véhicule d’énergie magique ou extraterrestre, l’esthétique du film déjoue nos repères classiques pour trouver d’autres voix et inventer une autre beauté. Parfois dépouillé, parfois flamboyant, Neptune Frost convoque la science-fiction là où on n’a pas l’habitude de la voir : dans le terrain boueux des mines de coltan en Afrique où les esclaves se font descendre pour peu qu’ils posent leur pelle deux minutes. Dès l’introduction, l’intention est claire : dénoncer l’horreur d’une exploitation qui n’émeut que trop rarement la communauté internationale.

Pourtant, le film n’a rien d’un quasi-documentaire déprimant sur une situation qui donnerait de bonnes raisons de déprimer. Au contraire : tout est fait pour donner espoir. Un chant ou une danse répondent à chaque acte de violence, et les couleurs d’un électronique fantasmé viennent éclairer la nuit africaine. Les personnages se réapproprient ce fameux coltan qui fait leur malheur pour inventer une énergie nouvelle, une technologie magique. »

Judith Beauvallet, Écran large