« Djibril Diop Mambety nous a laissé pour tout bagage un héritage : l’exigence. Exigence, devoir de mémoire, mémoire vive, mémoire critique. Un passeur d’espoir, un passeur de lumière. »
Catherine Ruelle, 1998.
« Pour faire du cinéma, il faut fermer les yeux. Les fermer et les refermer jusqu’à se faire mal à la tête. On voit des lumières en soi dans l’obscurité, (…) des points de lumière qui sont autant de personnages de la vie. On ouvre alors les yeux, on invente une histoire, c’est-à-dire la réminiscence d’un rêve et on écrit le scénario. (…) J’ai fait du cinéma en fermant les yeux pour les ouvrir sur la forme et la clarté de mes rêves. Je pense que le cinéma africain a une révolution à faire : il nous faut participer à la réinvention mondiale du cinéma et c’est en proposant des formes nouvelles que nous y arriverons. » Itw. Théogène Karabayinga, RFI, 1992.
Cinéaste emblématique des années 70, Djibril Diop Mambety a marqué les cinémas d’Afrique avec des œuvres puissantes mais seulement deux longs-métrages, Touki Bouki en 1972 et Hyènes en 1992. Acteur, réalisateur, scénariste et producteur sénégalais, né en janvier 1945 à Dakar (Sénégal), il décède le jeudi 23 juillet 1998 à Paris (France) à l’âge de 53 ans. Acteur au Théâtre National Sorano (Dakar), puis dans des films sénégalais et italiens (dont Le Décaméron Noir de Piero Vivarelli, 1972), il se lance dans la réalisation en 1965, avec Badou Boy (plusieurs versions, dont celle de 1970, Tanit d’or à Carthage), Contras City (1966) remarqué au Festival mondial des arts nègres de Dakar, puis Touki Bouki (1973), son premier long-métrage présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Cannes 1973. À l’aide d’images symboliques et d’une bande-son puissante, il dresse de son pays et de ses rapports avec l’ex-puissance coloniale un constat à la poésie amère. 20 ans de silence et d’errance et il revient avec Parlons grand-mère (1989), le making of de Yaaba commandé par Idrissa Ouedraogo. Son 2e long-métrage est une adaptation de la pièce La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt (Suisse) : Hyènes (Ramatou) (1992), en compétition à Cannes. Une nouvelle allégorie de la corruption à l’œuvre dans la société africaine. Il enchaîne avec deux moyens-métrages d’une trilogie qui restera inachevée, « Histoires de petites gens » : Le Franc (1994) et La Petite Vendeuse de Soleil (1999). Il décédera pendant le montage du film, terminé par son frère Wasis Diop.